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La démocratie totalitaire

La liberté selon J.J. Rousseau

vendredi 13 juin 2008, par MabBlavet

Peut-on forcer quelqu’un à être libre ? Si la question parait saugrenue, la réponse du prophète de la démocratie ne laisse pas de surprendre.

Quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie pas autre chose sinon qu’on le forcera à être libre.

Jean-Jacques Rousseau, Contrat social, livre 1er, chap. VII

Autrement dit, pour Rousseau et ses disciples :

  • Les représentants de la volonté générale normalisent ce qui est le “bien” et le “vrai“ du moment, indépendamment de toute morale, de toute transcendance. Ils n’ont d’autre référence qu’eux-mêmes, que leur raison qu’ils sacralisent : le culte de la déesse Raison remplace le culte de Dieu comme source du bien et du vrai.
  • Les citoyens doivent se soumettre en conscience à ces lois indiscutables puisque la seule morale reconnue est celle de la volonté générale.
    S’ils n’obéissent pas, ils ne sont pas libres, ce sont des aliénés qu’il faut enfermer, soigner, rééduquer ou tout simplement éliminer !!!

Dans une société traditionnelle, on n’est tenu d’obéir en conscience à l’autorité que si ses lois sont conformes à la morale naturelle. Cette morale est une référence fixe, extérieure à l’homme, elle dépend de notre nature et en définitive de la volonté de l’Auteur de notre nature.
Aucune autorité humaine n’a le pouvoir de décider de ce qui est bien ou mal, il y a une transcendance qui échappe à tout vouloir humain.
Ainsi en était-il sous la monarchie française : si la morale était parfois transgressée, la transgression était reconnue comme telle mais personne ne songeait à remettre en cause la morale elle-même.

À l’inverse, les régimes modernes - et en particulier la démocratie (volonté générale) - parce qu’ils ne reconnaissent aucune transcendance, substituent à la morale naturelle une morale de majorité, une morale variable, une morale de circonstance qui produit des lois auxquelles il est impossible de dire “non”. En effet : à quel titre pourrait-on dire “non” quand il n’existe rien d’absolu sinon ce dogme de la volonté générale ?

La Déclaration “universelle” des droits de l’Homme n’a jamais pu combler l’abîme laissé par la transcendance abandonnée, elle n’en est que le pâle reflet, production elle même de la raison humaine sinon de l’esprit de quelques occidentaux. Elle est d’ailleurs considérée à juste titre par les autres peuples, au mieux comme une étrangeté, au pire comme une marque d’impérialisme.

Surtout, l’absence de transcendance consacre l’absence de limites : la volonté générale autoréférente est prête à toutes les redéfinitions du “vrai“ et du “bien”. Toutes les dérives sont désormais possibles, il n’y a plus d’obstacle au pire.

Cette petite phrase de Rousseau ne contient-elle pas en puissance toutes les horreurs et tragédies que l’humanité vit depuis maintenant plus de deux siècles ?
N’y trouve-t-on pas en germe ces régimes inédits issus de la Révolution que sont les totalitarismes ?

Par ailleurs, il est entendu traditionnellement que la liberté suppose la vérité selon la phrase du Christ « ...vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres ». (Jn 8, 32)

Or la définition commune de la vérité formulée au Xe siècle par le philosophe arabe Isaac et reprise ensuite par Saint Thomas est : « Veritas est adaequatio rei et intellectus ». La vérité est l’adéquation (= conformité, correspondance) de l’intelligence et de la chose.
Cf. AQUIN, T., De Veritate, q. 1, a 1c.

Donc la liberté suppose une référence fixe, extérieure à l’homme : le réel. Précisons que cette référence du réel est universelle, accessible à toutes les intelligences puisqu’elle en est l’unique objet.

Autrement dit, la liberté découle de la soumission au réel.

Pour Rousseau et ses disciples la liberté réside dans la soumission à l’utopie de la volonté générale .

On atteint là une forme supérieure d’oppression intellectuelle puisque l’objet de l’intelligence n’est plus le réel mais l’utopie des dirigeants.