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L’histoire comme enjeu politique

Idéologie et Histoire

mardi 24 juin 2008, par Valancony

Pour conformer l’histoire à leurs dogmes, les idéologues républicains ont effectué de véritables falsifications que de plus en plus de chercheurs dénoncent. Plus dérangeant encore pour nos politiciens : l’évidence de la filiation des totalitarismes communiste et nazi avec "notre" Révolution française.

L’histoire outil idéologique

Voici peu, le président de la République a demandé aux Français de regarder leur histoire en face. Cette invitation se trouve sans objet pour les royalistes que nous sommes car, en tant que légitimistes comme en tant que chrétiens nous ne scrutons pas le passé avec les verres déformants de l’idéologie. Nous nous tenons toujours dans les limites du réel et nous n’ignorons rien, par ailleurs, de notre état d’imperfection, ce qui nous tient éloignés de toute tentation d’utopie.

Mais, à coup sûr, cette sentence s’adresse à tous ceux qui, depuis plus de deux siècles balancent entre le refus de Dieu et la volonté affirmée de forger un “homme nouveau”, même si la chose exige l’anéantissement de la moitié du monde.

Ce sont les idéologues qui ne regardent pas leur histoire en face car ils ne lui empruntent que ce qui conforte leur rêve éveillé. La réalité les gêne car ils veulent à tout prix que le passé justifie et légitime leur vision de l’avenir. Pour convaincre le citoyen d’aujourd’hui qu’il est devenu libre selon les préceptes des nouveaux dogmes, encore faut-il le persuader qu’il est né d’une lignée d’hommes asservis, esclaves désignés de Dieu, des rois et des prêtres.

Si, souvent, le témoignage des anciens temps ne peut être contredit, on s’arrange pour le taire ou le dénaturer afin de rester dans la ligne de l’idéologiquement correct.

Un exemple de cette escroquerie intellectuelle nous est fourni par l’opinion négative répandue à plaisir sur le Moyen-Age. Les historiens convenus nous le présentent tout enveloppé d’obscurité, de violence, de servitude et de misère. C’est pourquoi le professeur Jacques Heers, dans les dernières lignes de son livre Le Moyen-Age, une imposture nous demande d’abandonner la grande route des conformismes et des postulats pour emprunter les chemins plus rudes de la véritable recherche. De la sorte, nous pourrons « par l’analyse des faits réels, nuancer voire démentir les règles générales, ces constructions de l’esprit qui devaient beaucoup à des a-priori ou à des engagements dont nous n’avons que faire : une révision qui n’appelle pas à forger d’autres théories, par force tout aussi factices, mais à opposer le concret aux abstractions ».

Ce qui vaut pour le Moyen-Age s’applique aux autres époques de notre histoire et tout spécialement à la Révolution.
Pour cette période, encore si proche de nous par ses néfastes conséquences, tout semble avoir été dit : le vrai comme le faux. Remarquons cependant qu’aucun de ceux qui souhaitent que nous regardions notre histoire au fond des yeux ne s’est aventuré à faire acte de repentance sur les lieux des plus grands massacres. A quand un tel geste de réconciliation ? Bien au contraire nos “maîtres à penser” ont, génération après génération, tenté de brouiller la mémoire des Français et d’écarter tout ce qui contrariait le mythe du progrès et de la marche inéluctable vers la société idéale.

Cette démarche a d’ailleurs poussé, en réaction, les gardiens de la mémoire de ces dramatiques événements à idéaliser l’épopée et la geste des héros. Or ces derniers ont avant tout besoin de la vérité. C’est le seul hommage qui soit digne de leur sacrifice.

La Révolution mère de la République et ... des totalitarismes communiste et nazi

Cette volonté affirmée de faire de la Révolution le point de départ obligé de notre histoire nationale, comme si tout ce qui s’était passé avant relevait de la “préhistoire”, se voit souvent contredite par les faits. C’est pourquoi, à la célèbre et juste apostrophe de Clémenceau : « la Révolution est un bloc », on a tenté d’opposer une vision plus floue, plus fragmentée, tendant à distinguer entre 1789 et 1793. La Terreur n’est pas présentable ! Et pourtant les événements n’ont fait qu’obéir à une implacable logique, du premier au dernier jour de la grande tourmente.

La querelle à peine assoupie, voilà que surgit un autre affrontement à propos du Dossier noir du communisme. [1] La filiation entre la sanglante utopie révolutionnaire et le totalitarisme rouge est évidente. Comme l’affirme le politologue Alain Besançon [2] :

Marat voulait qu’on guillotine trois cent mille contre-révolutionnaires. La Terreur brandit des mots “magiques” (le “peuple” par exemple) qu’on retrouve dans le langage bolchévique. Les malheureuses religieuses de Compiègne sont guillotinées pour “fanatisme” ! Quant au massacre des Vendéens (cent quatre vingt dix mille selon Pierre Chaunu, après que les Chouans aient cessé toute résistance) [3], il préfigure les exterminations à l’échelle bolchévique. La Terreur, sans aucun doute, a servi de modèle, au moins de référence à Lénine.

Ce constat faisait d’ailleurs dire récemment à un journaliste britannique que la France devait se trouver particulièrement mal à l’aise devant les révélations de l’ouvrage dirigé par Stéphane Courtois. En effet, notre République puise sa “légitimité” aux mêmes sources que le communisme, celles de 1789. Ceci, même si l’infléchissement libéral du XIXe siècle nous a permis d’échapper aux conséquences extrêmes de la dictature rouge.

Autre constat, encore plus insoutenable pour nos idéologues de service, celui de la parenté entre marxisme et nazisme. Parenté dans l’horreur des méthodes et le mépris de toute dignité humaine mais aussi similitude du but poursuivi par ces deux totalitarismes : créer un homme nouveau et édifier un monde “idéal” même au prix d’inexpiables crimes. Ces objectifs étaient déjà ceux des théoriciens de 1789.

Tout ceci nous donne à penser que les autorités républicaines qui nous gouvernent ne sont pas près de regarder notre histoire en face. Cela supposerait une grande lucidité et beaucoup de reniements idéologiques. Cette invitation n’est peut-être, à tout prendre, qu’un simple calcul politique.


[1Le livre noir du communisme, sous la direction de Stéphane Courtois - Editions Robert Laffont 1997

[2cf : Le Spectacle du monde - Décembre 1997

[3Nos lecteurs sauront, je le pense, éviter cette habituelle confusion entre Vendéens et Chouans.