Le Roi dans la Constitution de 1791, par Guy AUGÉ (1991)
En 1789, les États Généraux se déclarent « représentants de la nation » et s’érigent en Assemblée constituante. En 1791 l’Assemblée promulgue une constitution écrite réalisant le rêve d’autonomie de la modernité : abolir la monarchie de droit divin pour établir une monarchie constitutionnelle fondée sur l’idéologie de la souveraineté nationale. Louis XVI se trouve alors dans une position intenable : par le serment du sacre il reconnaît que son autorité vient de Dieu, par le serment à la Constitution il admet qu’elle vient de la Nation. Si cette monarchie constitutionnelle ne survit que quelques mois, son principe d’autonomie inspirera largement la doctrine orléaniste d’une royauté révolutionnaire.
Introduction de Vive le Roy
Conférence de Guy Augé lors du Colloque du 8 octobre 1991 organisé par l’Institut de la Maison de Bourbon, sur Louis XVI et la Constitution de 1791.
Les Cahiers de l’Institut de la maison de Bourbon, N°2, p.29-35
AVERTISSEMENT : Des titres secondaires ont été ajoutés au texte original par la rédaction de VLR pour faciliter la lecture en ligne.
Genèse de la Constitution de 1791
**1789 : les États généraux s’érigent en Assemblée nationale constituante
La France d’Ancien Régime n’avait pas vécu une semaine de siècles dans l’arbitraire et le dérèglement : elle était déjà un « État de droit ».
Mais les constituants de 1789 se trouvaient en présence d’institutions essentiellement coutumières. Tel était, du reste, le régime ordinaire des pays européens à la même époque [1]. Seuls, hors de l’Europe et hors du cadre monarchique, les États-Unis d’Amérique du Nord venaient de se donner une Constitution fédérale écrite.
Cette notion de « constitution », matériellement ancienne, était en passe d’évoluer dans sa forme, et c’est par voie écrite que les députés des États généraux entendaient procéder.
L’on hésita, pourtant, d’emblée, sur la nature des textes à voter et sur la manière de s’y prendre.
Dans la mouvance de l’esprit du siècle, la plupart voulaient transformer le régime existant. Mais en quel sens ? Et dans quelle concertation avec le Roi ?
- Un homme tel que l’abbé Sieyès, « ingénieur en Constitutions » et « portier de la Révolution », dont l’influence fut si grande sur la genèse du nouveau droit public [2], proposait la théorie de la souveraineté nationale comme moyen terme entre l’absolutisme royal et l’absolutisme démocratique ; il entendait faire entreprendre la refonte des institutions par les seuls représentants de la Nation.
- D’autres tenaient que le Roi fût associé aux réformes : dans leur esprit il ne s’agissait que de rétablir l’harmonie entre le Roi et ses sujets par une sorte de pacte.
La question était donc de savoir s’il fallait créer une Constitution entièrement nouvelle ou simplement rétablir, dans son authenticité, celle léguée par les siècles, dont les principes auraient été méconnus et oubliés.
Il ne fallut pas moins de trois comités de Constitution pour débattre et élaborer le texte au cours des années 1789, 1790 et 1791.
Du jour où les États généraux se proclamèrent Assemblée nationale, puis se déclarèrent constituants, la Révolution était faite dans les principes.
L’Assemblée, écrit Talleyrand dans ses Mémoires, se déclare constituante, c’est-à-dire investie du droit de détruire tout ce qui existe, et d’y substituer tout ce qui lui plaira. [3]
Le maintien de la forme monarchique de l’État, même pour ceux qui réclamaient une Constitution entièrement nouvelle [4], était indiscuté ; car, disait le rapporteur du second comité, Clermont-Tonnerre,
c’est une forme qu’il est dans les cœurs de tous les Français de chérir et de respecter [5].
Elle fut donc confirmée par acclamations.
Restait à trancher la question du concours du Roi et de l’Assemblée, ainsi que celle de leurs rapports respectifs.
**Un comité de Constitution à majorité « monarchienne »
Le second comité, élu le 14 juillet, comprenait 8 membres à majorité modérée, avec Mounier, le célèbre avocat dauphinois, mais aussi l’idéologue Sieyès, qui introduisit la distinction entre le « pouvoir constituant » (du souverain) et les « pouvoirs constitués », parmi lesquels le Roi.
En conséquence, Sieyès affirmait que le Roi ne pourrait ni discuter le texte constitutionnel que les représentants de la Nation lui imposeraient, ni disposer d’un veto législatif susceptible de paralyser la loi, expression de la volonté générale, puisqu’« un pouvoir d’empêcher est analogue à un pouvoir de faire ».
Sieyès s’insurgeait contre l’idée d’un statut politique fondé sur une tradition, sur « un droit historique » ; il dénonçait les « prétendues vérités historiques » et voulait se fier aux seules lumières de la raison.
Mounier, pour sa part, proposait un veto royal sur les lois ordinaires, pas sur les lois constitutionnelles, ce qui était une première capitulation des monarchistes. Il défendait deux chambres, à l’anglaise, et des prérogatives royales encore substantielles, dont un droit de dissolution de la chambre basse.
En outre, le comité Mounier souhaitait, en préambule à la Constitution, une déclaration des droits et des devoirs.
Les événements de l’été 89 infirmèrent ces vues : la Constituante abolit, dans la fameuse nuit du 4 août non seulement les privilèges des personnes et des ordres, mais ceux des provinces, des villes, des corporations.
Ce vote ne se bornait pas à détruire des exemptions d’impôts injustifiées et quelques droits honorifiques plus ou moins anachroniques ; il introduisait l’individualisme absolu et suscitait une immense hécatombe des cadres naturels de la vie sociale des Français.
La déclaration des droits de l’homme, acquise quelques semaines plus tard, après de confuses discussions qui écartèrent la reconnaissance des devoirs, accentua cet individualisme.
L’agitation de la Grande Peur, la révolution municipale, les troubles dans la capitale, l’irruption des foules, achevèrent de mettre en porte-à-faux le projet de Mounier et de ses amis modérés (on disait : « monarchiens »).
Si la volonté générale est celle d’une majorité de citoyens égaux en droits,
- au nom de quelle autorité le Roi pourrait-il refuser sa sanction aux lois votées par l’Assemblée des représentants ?
- Comment pourrait-il dissoudre cette assemblée ?
- Comment pourrait-on envisager une chambre aristocratique ?
**Un comité de Constitution présidé par l’idéologue Sieyès
Mounier démissionna logiquement, et c’est un troisième comité, dirigé cette fois par Sieyès en personne, qui eut la charge d’élaborer les textes définitifs.
Fin septembre, une Constitution provisoire de 19 articles était votée et soumise à l’approbation du Roi. Elle prévoyait
- une Assemblée législative unique, élue pour deux ans, avec un veto royal simplement suspensif,
- un pouvoir judiciaire indépendant, et
- un roi réduit aux fonctions de chef de l’exécutif.
Louis XVI accepta les 19 articles avec réserve,
aux conditions, disait-il, dont je ne me départirai pas, que, par le résultat général de vos délibérations, le pouvoir exécutif ait son entier effet entre les mains du monarque.
Cette réponse semblait impliquer qu’il pût refuser son concours à la Constitution définitive. Un vif débat s’ensuivit à l’Assemblée.
Robespierre s’indigna :
Est-ce au pouvoir exécutif de critiquer le pouvoir constituant dont il émane ?, arguait-il ; Je considère la réponse du Roi comme contraire aux principes, aux droits de la Nation, et opposée à la Constitution.
Plusieurs orateurs firent chorus. L’un d’eux n’avait-il pas réclamé, sans d’ailleurs être suivi (mais l’expression est à noter), « une démocratie royale » ? En tout cas, concluaient les députés, le Roi devait donner une acceptation pure et simple.
De fait, il s’y résigna, le 5 octobre, mais sous la pression de l’émeute.
**Le contexte lors de la promulgation de la Constitution
De 1789 à 1791, le nouvel ordre des choses se mit en place, morceau après morceau, par des actes divers, les uns constitutionnels, les autres législatifs.
La grave question des rapports de la Révolution et de l’Église, le vote de la Constitution civile du clergé, en juillet 1790, la coupure des catholiques qu’elle provoqua, aboutirent à un divorce avoué entre Louis XVI et les constituants, puis à son équipée de Varennes les 20 et 21 juin 1791.
Du 25 juin au 14 septembre, le Roi fut suspendu ; l’Assemblée décida que ses décrets seraient exécutoires sans qu’il fût besoin d’une sanction royale ; elle plaça les ministres sous ses ordres, le Roi étant consigné aux Tuileries, sous la garde de La Fayette.
Sur ces entrefaites, la fusillade du Champ-de-Mars, le 17 juillet 1791, la première agitation républicaine des Cordeliers, effrayèrent l’Assemblée qui tenta, in extremis, de réagir face au discrédit de la monarchie qu’elle avait tant contribué à susciter ; l’on effectua une sorte de toilettage de la Constitution dans un sens conservateur, avec renforcement du cens électoral et de quelques prérogatives royales.
Malouet indigna ses collègues en osant demander, le 30 août, une ratification du texte par le peuple : la souveraineté nationale n’était pas discutée, mais les députés seuls étaient réputés vouloir pour la Nation.
Le 13 septembre, le Roi, à qui le texte définitif avait été présenté dix jours plus tôt, l’accepta :
Je déclare, écrivait-il à l’Assemblée, qu’instruit de l’adhésion que la grande majorité du peuple donne à la Constitution, je renonce au concours que j’avais demandé dans ce travail...
Le 14, il prêtait serment constitutionnel, recouvrant du coup ses prérogatives.
Quel était donc le statut du Roi dans la nouvelle Constitution ? Et comment ce Roi s’est-il comporté, en fait, dans les institutions qu’on lui fabriquait ? Tels seront les deux points que nous examinerons. En d’autres termes, une analyse théorique des pouvoirs constitutionnels du Roi, puis une appréciation de l’attitude pratique de Louis XVI.
Le statut théorique du Roi en 1791
En Angleterre, l’introduction de la Royauté parlementaire s’est effectuée d’abord au prix d’un changement de roi, en 1688, puis à la faveur d’un changement de dynastie un quart de siècle plus tard.
En France, l’expérience fut tentée, d’ailleurs tragiquement, avec le même roi : Louis XVI.
Le Roi de 1791 avait aussi été celui de l’ancienne France, et il en conservait certains traits, hérités de la tradition ; mais ce roi était aussi devenu tout à fait indifférent, il avait « dépouillé le vieil homme » et subi une complète novation.
**La tradition
Au Titre III, chapitre II, section première, la Constitution traite « De la Royauté et du Roi ». [6]
L’article premier, tout entier, est une fidèle rédaction des coutumes de dévolution de la couronne :
La Royauté est indivisible (c’était l’acquis des Capétiens) et déléguée héréditairement à la race régnante, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l’exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.
Suivait une parenthèse :
Rien n’est préjugé sur l’effet des renonciations dans la race actuellement régnante.
Cette incise, qui intéresse particulièrement les légitimistes, fut insérée en septembre 1789, lors de l’élaboration des 19 articles initiaux, à la suite de débats houleux portant sur la signification et la valeur des renonciations de Philippe V à Utrecht [7].
Les orléanistes présents essayèrent de faire prévaloir la validité de ces renonciations et l’exclusion des descendants de Philippe V : ils n’eurent pas gain de cause devant les constituants, conformément à l’opinion quasi unanime des légistes du XVIIIe siècle. Sur ce point au moins, la tradition fut sauve.
Il n’y avait pas non plus de changement révolutionnaire dans le libellé de l’article 9 :
Les biens particuliers que le Roi possède à son avènement au trône sont réunis irrévocablement au domaine de la Nation ; il a la disposition de ceux qu’il acquiert à titre singulier ; s’il n’en a pas disposé ; ils sont pareillement réunis à la fin du règne.
On trouve là une reprise de la loi fondamentale sur le domaine de la Couronne.
**Première novation : une constitution écrite est par nature muable
Les novations, en revanche, sont nombreuses. Elles résident, d’abord, dans la rédaction même de ces anciennes lois fondamentales.
Certes, l’inaliénabilité du domaine avait déjà fait l’objet d’un écrit, l’édit de Moulins de 1566 ; mais c’était une exception ; d’ordinaire, les règles de dévolution de la Couronne restaient inscrites « ès cœurs des Français », et immuables ; en les rédigeant, en les « constitutionnalisant » de la sorte, on les rendait révisables, donc muables comme la Constitution elle-même.
**Deuxième novation : la constitution affirme la souveraineté nationale au lieu du droit divin
Cette Constitution, par ailleurs, affirmait d’emblée la souveraineté nationale et celle de la loi :
le Roi ne règne que par elle (art. 3). [8]
Dans la vision traditionnelle de la monarchie, la souveraineté du Roi n’était que l’expression d’un pouvoir suprême, lui-même moyen au service d’une fonction consistant à défendre et à incarner l’intérêt général, le bien commun de la multitude. En sorte que, dans la souveraineté monarchique, la Nation se trouvait absorbée plutôt qu’exclue.
Roi et Nation n’étaient pas antinomiques mais en symbiose. Et cela peut, du reste, expliquer que les constituants, posant la souveraineté nationale, n’aient pas éprouvé la nécessité logique de supprimer la monarchie.
Cependant, à rigoureusement parler, il ne s’agissait plus tant de monarchie que de royauté : « démocratie royale », disait, à bon droit, cet obscur député...
En principe, tous les pouvoirs émanaient de la Nation, qui ne pouvait les exercer que par délégation. Le Roi, comme les députés, avait qualité de « représentant de la Nation », et devenait, à ce titre, délégataire de la puissance exécutive.
Pourtant, marquons encore une réserve : vis-à-vis du Roi, cette délégation revêtait un caractère assez particulier puisque la monarchie était maintenue, et ce, dans ses formes anciennes de dévolution. La Nation entérinait mais ne créait pas.
Aussi bien ce Roi, dont on voulait faire, désormais, « le premier fonctionnaire du royaume » (Robespierre), « l’individu auquel la Royauté est dévolue » (Thouret), recevrait-il, seul parmi les fonctionnaires, et sans aucune raison autre qu’historique, le caractère « inviolable et sacré ».
Pour le reste, que de changements significatifs et profonds !
**Troisième novation : Abandon du titre traditionnel de « Roi de France »
Les titres traditionnels de « Roi de France » et de « Dauphin » étaient abolis au profit de ceux de « Roi des Français » et de « Prince Royal ». On avait justifié ce curieux et inconscient retour aux expressions du latin médiéval dans une discussion oiseuse, en insinuant que « roi de France » sous-entendrait une possession patrimoniale du Royaume, tandis que « roi des Français » soumettrait mieux le monarque à son peuple.
C’était superbement ignorer le combat des légistes, précisément contre les conceptions patrimoniales qui, elles, remontaient aux Mérovingiens ! Le passage du Rex Francorum au Rex Franciae, du temps de Philippe Auguste, au début du XIIIe siècle, exprimait bien autre chose.
**Quatrième novation : l’abdication est possible
Incompréhension encore de la tradition dans les cas d’abdications prévus en 1791 (articles 5 à 8). En effet, des abdications « expresses ou légales » étaient admises, en violation du vieux principe de l’indisponibilité de la Couronne, pourtant implicitement consacré lors du débat sur la potée des renonciations d’Utrecht.
On verra là une marque manifeste de défiance envers la personne de Louis XVI, censé avoir abdiqué
- s’il ne prête pas serment à la Constitution,
- s’il se met à la tête d’une armée contre la Nation,
- s’il sort du Royaume sans y avoir été autorisé. (Le monarque était pratiquement assigné à résidence par le Corps législatif et n’avait pas le droit de s’éloigner « de plus de vingt lieues » du siège de ses séances ! )
Au passage, on observera que si le Roi est qualifié de « sacré », il n’est plus question de son sacre à Reims, mais d’un simple « serment » à la Constitution.
Le Roi était doté d’une liste civile et pouvait lever une garde, en nombre limitée, défrayée sur cette liste civile.
**Cinquième novation : les conditions de la régence
La section II du même chapitre organisait méticuleusement la Régence, ce que n’avait jamais réussi l’Ancien Régime.
- Par hostilité à Marie-Antoinette, les femmes en étaient désormais exclues, de même que les princes étrangers et non régnicoles.
- Le Régent devait aussi prêter serment à la Constitution.
- Si aucun prince français n’était en mesure d’assumer la fonction (8), l’on prévoyait un processus complexe d’élection à deux degrés, par le peuple, du Régent.
À propos de la Régence, l’art. 2 de la section II du chapitre II du titre III énonce :
La Régence appartient au parent du roi le plus proche en degré, suivant l’ordre de hérédité au trône, et âgé de vingt cinq ans accomplis, pourvu
- qu’il soit Français et régnicole,
- qu’il ne soit pas héritier présomptif d’une autre Couronne, et
- qu’il ait précédemment prêté le serment civique...
Il suit de là, si preuve en était nécessaire, que les Bourbons d’Espagne étaient écartés de la Régence parce qu’expatriés, mais qu’ils ne l’étaient pas de la succession au trône en cas d’extinction de la branche aînée issue de Louis XV.
On pouvait parfaitement, d’après ce texte, être « héritier d’une autre Couronne » ou « non régnicole » et néanmoins successible de France. Là décidément, les constituants confirmaient la tradition. Même quand ils en perdaient ailleurs l’esprit.
**Sixième novation : le Roy, un citoyen pas comme les autres
Dans une section III, « De la famille du Roi », d’autres mesures vexatoires étaient inscrites.
- Il n’appartenait pas au Roi mais à une loi spéciale de régler l’éducation du prince royal.
- Les divers successibles étaient appelés « princes français », sans que cette qualification emportât aucun privilège dérogatoire au droit commun.
- Bien plus, ces princes, quoi qu’assimilés aux citoyens actifs, étaient frappés d’inéligibilité et interdits des plus hautes fonctions comme celles d’ambassadeurs ou de chefs des armées.
**Septième novation : la nomination des ministres du Roy
En vertu de la fameuse théorie, abusivement tirée de Montesquieu, de la « séparation des pouvoirs », le Roi nommait et révoquait librement ses ministres. En apparence, c’était un reliquat de puissance.
À y regarder de plus près, l’impression se nuance fortement et la séparation des pouvoirs restait surtout une arme contre le Roi. Qu’on en juge :
- les ministres étaient imposés au Roi constitutionnellement ; aucun de ses ordres ne serait exécuté sans le contre-seing ministériel ;
- ces ministres pouvaient être décrétés d’accusation par l’Assemblée qui les traduisait elle-même en Haute-Cour, et pouvait toujours les en menacer efficacement ;
- les ministres ne pouvaient être choisis parmi les députés, ce qui revenait à priver le Roi de la collaboration des hommes populaires et rompus aux affaires ; en revanche, oubliant la séparation des pouvoirs, l’Assemblée n’hésitait pas à faire pression sur le Roi pour qu’il chasse tel ministre lui déplaisant ou qu’il en choisisse tel autre à sa convenance.
Il y eut de vives discussions sur le statut des ministres, en particulier sous l’impulsion de Mirabeau, que la cour avait acheté et dont on connaissait les ambitions. Percées à jour, ces ambitions échouèrent [9] ; mais, du coup, l’évolution vers un régime parlementaire de collaboration des pouvoirs s’en trouva bloquée.
Mirabeau l’aurait souhaitée, et c’est pourquoi il avait vainement plaidé le droit de dissolution de la Chambre par le Roi, de même que la compatibilité des fonctions de ministre et de député.
Mirabeau fut un personnage-clé de la Constituante, décédé prématurément à la suite d’une vie de débauche [10]. C’était un royaliste de raison autant que de sentiment, que la froideur de la Cour à son égard avait rejeté démagogiquement vers la gauche, position inconfortable pour défendre la monarchie.
- Il pensait qu’une sorte de royauté populaire, rationalisée, lutterait mieux qu’un absolutisme de façade contre le pluralisme issu de la féodalité.
- Il ne croyait pas à la logique de la séparation des pouvoirs. La loi et son exécution, disait-il, ne se peuvent sérieusement isoler l’une de l’autre ; on ne devrait pas cloisonner l’exécutif et le législatif ; le lien entre eux pourrait être un ministère à l’anglaise, politiquement responsable devant l’Assemblée.
Sans doute Mirabeau a-t-il eu l’intuition, dès 1789, du régime parlementaire : repoussée à cette date, l’idée devait en resurgir en 1814, sous une autre monarchie... pour donner des résultats que son inventeur en France aurait probablement constatés sans excès d’enthousiasme.
**Huitième novation : le droit de veto
L’autre grande prérogative, la seule vraiment importante, consentie au Roi, était le droit de veto dans la sanction des lois.
La Constitution n’avait rendu au Roi ni l’initiative des lois, ni même le pouvoir réglementaire.
Le Roi pouvait seulement inviter le Corps législatif à prendre un objet en considération.
Il appartenait à l’Assemblée d’interpréter ses propres textes et de prendre les décrets d’application. Elle discuta le droit de veto.
Le débat sur ce sujet fut si vif (douze jours de discussion passionnée, du 31 août au 11 septembre 1789) qu’il laissa une trace profonde dans l’histoire des assemblées politiques : c’est à propos du veto que se cristallisèrent, pour la première fois, les notions de droite et de gauche, appelées à la postérité mondiale que l’on sait.
Or, tant la droite que la gauche concevaient le législatif et l’exécutif comme des forces irréductiblement hostiles.
- La droite ne sut que proposer une intervention du Roi a posteriori, sous la forme d’un veto absolu au texte voté par le Corps législatif.
- Sieyès trouvait l’idée attentatoire à la souveraineté nationale et la refusait entièrement.
En définitive prévalut une solution intermédiaire, le « veto suspensif » qui pouvait, au maximum, différer de six ans l’application d’une loi voulue avec persévérance par les députés. Encore les lois de finance et les lois constitutionnelles se trouvaient-elles dispensées du veto royal.
À première vue, l’arme n’était pas négligeable, notamment en présence de lois urgentes et de circonstance ; mais le Roi, si diminué par ailleurs, pourrait-il en user sans risques ? L’exercice du droit de veto le mettait en brutal conflit avec une Assemblée omnipotente...
Au demeurant, c’est sur le prétexte du veto que se firent les journées révolutionnaires du 20 juin, puis du 10 août 1792, où le Roi fut emporté.
**Neuvième novation : un Roi soumis au « pouvoir législatif »
Ce Roi, infériorisé face au législatif, était-il véritablement le maître de l’administration et du maintien de l’ordre,comme l’assuraient les textes ?
Là encore, ses pouvoirs paraissaient dérisoires.
- La plupart des administrateurs locaux étaient élus et ne tiraient donc pas leur légitimité du Roi ; celui-ci ne disposait d’aucun agent susceptible de les surveiller ou de les conseiller.
- La subordination au Roi des administrateurs locaux était théorique : ils étaient censés exercer « sous la surveillance et l’autorité du Roi », qui pouvait annuler leurs actes et les suspendre ; mais il revenait au seul corps législatif, nécessairement informé, de confirmer ou d’infirmer ces mesures ! En cas de désordre, il fallait que l’agitation débordât le cadre du département pour que le Roi puisse intervenir...et toujours sous le contrôle ultime de l’Assemblée.
- Les agents nommés par le Roi, d’autre part, apparaissaient dévalués là où ils subsistaient parce que dépourvus du sceau électif.
- Le Roi était chef des armées ; cependant, il ne pouvait pas nommer à tous les grades, on ne lui en réservait qu’un pourcentage (attitude illogique au demeurant, car s’il était capable de nommer certains officiers, pourquoi ne les nommait-il pas tous ? ). C’est au Corps législatif qu’il revenait de statuer annuellement sur le nombre des hommes et des vaisseaux, les soldes, les règles d’avancement, la discipline, etc.
- Simplement, en ces matières, par exception, le Roi avait l’initiative des lois.
Au résumé, en ce qui concerne les administrateurs et les agents de l’État,
- un droit de nomination très atteint,
- un droit de contrôle très affaibli.
Le Roi, entravé, ne jouissait d’un pouvoir de décision autonome que pour la diplomatie et la sûreté extérieure du royaume. Cela, d’ailleurs, autorisait à en faire, concurremment avec l’Assemblée, un « représentant » (héréditaire) de la Nation ; mais, en fin de compte, il revenait aux seuls députés de déclarer la guerre et de conclure la paix : Louis XVI n’avait que l’initiative de les proposer à leur agrément.
**Dixième novation : un Roi exclu du « pouvoir judiciaire »
Ajoutons, pour en terminer, que le Roi était très largement exclu du pouvoir judiciaire, lui naguère réputé « source de toute justice », bien que cette justice fût encore fictivement rendue en son nom.
On ne lui concédait même plus le droit de grâce. Il nommait seulement dans les tribunaux un « commissaire du Roi », et cette nomination était viagère.
**Conclusion : un Roi au pouvoir très faible
En définitive, la position du Roi était faible et inconfortable. Sans doute lui conservait-on une fonction de majesté :
- il symbolisait la Nation, son effigie apparaissait sur les monnaies,
- il était reçu, avec une relative déférence, par l’Assemblée.
Mais, déjà, on lui ménageait chichement les marques d’honneur : sa liste civile était fixée ne varietur pour la durée du règne ; les députés prenaient l’habitude, à son vif déplaisir, de se couvrir et de s’asseoir lorsqu’il leur parlait, et il n’avait qu’un simple fauteuil à la gauche du président de séance.
En revanche, les députés protestaient lorsque leurs délégations n’étaient reçues à la cour qu’« à un seul battant » !
En pratique, comment les choses se sont-elles passées, et Louis XVI fut-il le Roi de la Constitution révolutionnaire ?
La pratique constitutionnelle du Roi
Bornons-nous ici, faute de temps, à une simple esquisse.
D’évidence, la Constitution a très mal fonctionné d’octobre 1791 jusqu’au 10 août 1792, soit un laps de temps d’à peine dix mois alors que la législature était prévue pour deux ans.
Louis XVI fut-il le roi de la Révolution, ou bien bouda-t-il le nouveau régime ? Les deux thèses s’affrontent.
**Louis XVI, roi de la Révolution ?
La personnalité de Louis XVI reste encore, à beaucoup d’égards, énigmatique. Quels furent ses sentiments profonds à l’égard de la Révolution commençante ? Il n’est pas si simple de répondre.
La thèse ancienne et classique, forgée par les partisans de la Révolution, consiste à parler d’une duplicité, d’un double jeu du Roi. Formé par l’ancienne France, « né sous le despotisme » comme disait Mme Roland, il ne pouvait qu’être viscéralement allergique au nouveau constitutionnalisme.
Georges Lefebvre chez les historiens, Maurice Deslandres dans son Histoire constitutionnelle, chez les juristes, tout près de nous, aujourd’hui, Evelyne Lever, très hostile au Roi, reprennent l’antienne [11].
Et pourtant, Louis XVI n’a-t-il pas été, pour un temps du moins, le roi de la Révolution ? On eut beaucoup de mal, lors de son procès, à trouver contre lui des accusations qui tiennent.
Dans de nombreux textes, Louis XVI exprime son adhésion : par exemple,
- dès le 7 octobre 1791, il souhaite, entre le Corps législatif et lui, « une constante harmonie et une confiance mutuelle » ;
- le 14 décembre, il ne paraît pas hésiter à se désolidariser des émigrés : « Représentant du peuple, écrit-il, j’ai senti son injure » ;
- il réitère sa promesse de « conserver fidèlement le dépôt de la Constitution ».
Double jeu, tranche l’historiographie révolutionnaire. Aveuglement d’un roi faible, peu intelligent et prisonnier, répliquent les contre-révolutionnaires, qui déplorent le manque de roi dans ces heures décisives.
La question a été, renouvelée, ces dernières années, dans un sens discutable mais suggestif, par Paul et Pierrette Girault de Coursac, qui ont voué, à leur façon, de considérables efforts à la défense posthume du Roi. Ces auteurs ont d’abord montré, de façon convaincante, que l’éducation du Roi, contrairement à une légende tenace, avait été très soignée. Louis XVI ne fut pas du tout un demeuré ou un ignorant.
Aurait-il été un parfait roi constitutionnel,
- victime de son entourage, de la Reine entre autres, et de faussaires (par exemple, dans la fameuse « armoire de fer », une forgerie déloyale du ministre girondin Roland) ?...
- Et victime, bien sûr, de l’historiographie, les républicains le disputant aux royalistes dans l’incompréhension de cette attachante personnalité ?
**Louis XVI, contre-révolutionnaire
La thèse des Girault de Coursac [12], riche de documentation, de trouvailles intéressantes, d’hypothèses suggestives, n’emporte pourtant pas la conviction. En tous cas, elle incite à approfondir un peu les rapports de Louis XVI et de la Révolution.
L’éducation du Roi, si elle ne fut pas négligée, baigna néanmoins dans une ambiance très fénelonienne, amplifiée des lectures de Domat, de Daguesseau, de l’amitié de M. de Malesherbes... Bainville avait-il tellement caricaturé en évoquant « Télémaque XVI » ?
Ce Bourbon fut-il acquis aux Lumières ? Sans doute n’est-ce pas aussi limpide. Mais il a respiré l’air de son temps.
Bien des textes avérés de lui parlent de la Nation comme entité distincte du monarque, sous-entendant peut-être une adhésion à la souveraineté nationale.
- Dès le 28 mai 1789, Louis XVI a lancé l’expression d’« Assemblée nationale » pour désigner les États, ce qui est au moins curieux.
- Il est sensible à l’opinion ; il sacrifie ses propres idées à « la tranquillité publique » qui lui est chère, ou à « la félicité de la Nation ». C’est une pente où Louis XV, son prédécesseur, ne se serait pas reconnu.
Le jeune Roi ne semble pas avoir été foncièrement hostile à la révolution commençante, non plus, du reste, que celle-ci n’était consciemment hostile au monarque.
Au moins avant Varennes, le Roi a paru collaborer. Il est allé jusqu’à désavouer ceux qui faisaient allusion à sa « contrainte ». Le 14 décembre 1791, il écrivait à l’Empereur :
V.M. ne peut pas douter que c’est de ma propre volonté et librement que j’ai accepté la Constitution.
Quand il exprime ses scrupules, sa résistance est faible : même la Constitution civile du clergé, que le Pape lui demandait de ne pas ratifier, est sanctionnée par lui au bout de six semaines.
On trouve chez le Roi, une tendance, assez troublante, à l’appel au peuple, qu’il manifestera jusque sur l’échafaud : il se méfie des députés, pas de son peuple. [13]
Naturellement, Varennes fut la conséquence de la mauvaise tournure prise par l’application de la Constitution civile du clergé ; le Roi très-chrétien ressent la violence faite à sa conscience.
Sa Déclaration aux Français, du 20 juin, rédigée dans ce contexte, n’est pas très favorable aux constituants, c’est le moins qu’on en puisse dire [14] : on y lit une critique serrée des faiblesses de la Constitution, la dénonciation des « factieux » ; mais il s’agit surtout de dénoncer la mauvaise application du texte et l’affaiblissement de l’exécutif, nullement d’un refus fondamental des nouveaux principes.
Le Roi n’a usé que rarement du veto : quatre fois en dix mois, alors qu’il a sanctionné des centaines de décrets. Il a scrupuleusement respecté les formes :
- le 8 novembre, à propos d’un texte visant « les émigrés », c’est-à-dire ses frères et ses fidèles ;
- le 24 novembre, à propos des prêtres réfractaires ;
- le 27 mai 1792, à nouveau sur les prêtres réfractaires (l’Assemblée, ce faisant, tournait l’esprit de la Constituante en statuant une seconde fois dans la même législature sur ce sujet) ;
- enfin, le 6 juin, à propos du camp de fédérés qui le menaçait personnellement.
L’utilisation était parfaitement légale, modérée même ; néanmoins l’Assemblée la supporta si mal qu’elle suscita l’insurrection. Le veto restait une arme trop forte entre les mains d’un monarque trop affaibli.
On remarquera que le Roi s’en était servi à deux reprises sur la question religieuse. Là est sans doute le nœud de l’affaire et le secret du cœur du Roi. Louis XVI, qui n’a jamais songé à abdiquer, a sacrifier son règne sur cette question qu’il estimait cruciale. Il n’a pas oublié qu’il était le Roi très-chrétien, et Jean-Pierre Brancourt a fortement écrit, un jour [15], que
la défense ultime du catholicisme par Louis XVI l’avait condamné à la guillotine en sauvant son éternité.
**Une équation impossible
Pour tout dire d’un mot, la conscience de Louis XVI a été confrontée à un double serment :
- celui prêté au sacre de Reims, le 11 juin 1775 [16], et
- celui prêté à la Constitution le 14 septembre 1791 [17].
Imaginer qu’il ait pu préférer le second au premier est difficile à admettre, surtout si l’on se souvient qu’il ne quitta jamais l’anneau du sacre et l’emporta jusque dans sa tombe.
Mais probablement se faisait-il, en bon fénelonien, une idée erronée de la Constitution coutumière ; en tout cas fort différente de celle de son aïeul Louis XV puisqu’il n’eut rien de plus pressé, à son avènement, que d’anéantir la réforme Maupeou et de rappeler les Parlements.
Crût-il un instant renouer, par-delà l’absolutisme, avec les vieux plaids de la monarchie franque en avalisant la souveraineté nationale ?
Il eut toujours horreur de verser le sang, et souffrit aussi, peut-être, dans les premiers jours de la Révolution, du drame personnel que fut la mort prématurée du premier Dauphin à la mi-juin 1789.
En tout cas, la conversion qui fut la sienne aux derniers mois de son règne atteste de ses sentiments profonds.
Quelques textes pour finir donnent aussi des pistes : dès le 12 juin 1789, il écrivait au Roi d’Espagne Charles IV : « comme chef de la seconde branche » pour protester solennellement contre tous les actes « qui lui ont été arrachés par la force » et dit :
ne pouvoir laisser avilir entre ses mains la dignité royale qu’une longue suite de siècles a confirmée dans sa dynastie.
Dans son manifeste du 20 juin 1791, il déplore
l’impossibilité où le Roi se trouve d’opérer le bien et d’empêcher le mal qui se commet.
(leçon que le Comte de Chambord entendra plus tard).
Et à son ministre Bertrand de Molleville, qui l’a rapporté dans ses mémoires, il confiait :
L’exécution la plus exacte de la Constitution est le moyen le plus sûr pour faire apercevoir à la Nation les changements qu’il convient d’y faire.
Le 7 juillet 1792 encore, Louis XVI déclare à l’Assemblée :
Je viens vous exprimer moi-même que la Nation et le Roi ne font qu’un... L’attachement à la Constitution réunit tous les Français, le Roi leur en donne toujours l’exemple.
On aperçoit peut-être entre ces phrases, à la fois les tentations contradictoires et les lignes de force d’une conduite qui avait sa cohérence, sinon son efficacité.
Conclusion
Essayons de conclure sur la Constitution de 1791.
Talleyrand, dans le chapitre de ses Mémoires qu’il y consacre, écrit :
la Royauté, telle qu’elle était sortie de l’Assemblée constituante, n’était plus qu’une ombre, et une ombre qui allait chaque jour s’effaçant... [18]
Talleyrand disait juste. La Royauté de 1791 était bien mal bâtie. La première Constitution écrite de la France fut un échec patent. Œuvres d’idéologues novices, trop amoureux de la raison, trop méprisants de l’histoire, trop inexpérimentés, elle ne pouvait prétendre à la durée.
On a souligné par ailleurs l’incompatibilité essentielle entre Constitution et Révolution :
- si on ne sait trop quand commence l’Ancien Régime, on sait bien quand il finit ;
- à l’inverse, on voit quand commence la Révolution, mais on serait en peine de lui assigner une fin : il est illusoire de prétendre figer ce mouvement. À coup sûr, en tout cas, la Révolution ne s’est pas achevée le 14 septembre 1791.
Devons-nous penser pour autant que cette Constitution masquait une république ? Je ne le crois pas personnellement, si ce n’est au sens kantien. Talleyrand parlait à juste titre de « royauté », non de « monarchie ».
La Constitution n’était pas vraiment monarchique, mais elle restait royale. Elle se rangeait dans la nouvelle classification des régimes politiques introduite par le Contrat social de Rousseau, elle était une « démocratie royale ».
Car s’il y a contradiction dans les termes à imaginer une « monarchie démocratique », rien ne s’oppose à des royautés démocratiques dont notre Europe contemporaine est encore remplie.
À cet égard, la Constitution de 1791 inaugurait le modèle, appelé à postérité, qui, entre autres, fut illustré par la doctrine orléaniste de royauté révolutionnaire...
Il est vrai que la France d’Ancien Régime, à son couchant, ne souffrait pas d’un excès d’autoritarisme, mais d’un manque d’efficacité et de moyens ; l’apport politique majeur de la Révolution fut de changer le principe de légitimité, et de substituer au droit divin traditionnel, la souveraineté nationale, puis populaire.
Cette métamorphose a ouvert la porte, beaucoup moins à la liberté, qui est ancienne comme disait Mme de Staël, qu’au despotisme, nous dirions au totalitarisme, qui est bien moderne, hélas !...
Une volonté générale « toujours droite » a remplacé ce Roi, qui devait encore « raison garder » pour exprimer la loi. On est en droit de douter que ce fût un progrès.
[1] N’oublions pas le cas, toujours singulier, de la Pologne qui eut, elle aussi, sa première constitution écrite en 1791 ; mais elle ne servit pas de précédent à la France.
[2] Cf. Paul BASTID, Sieyès et sa pensée, nouv. éd., Hachette, 1970. Et plus récemment, Jean-Denis BREDIN, Sieyès, la clef de la Révolution française, de Fallois, 1988.
[3] Mémoires du prince de Talleyrand, publiés par le duc de
[4] Tout au plus fit-on quelques propositions farfelues, comme de déposer Louis XVI pour le réintroniser aussitôt. Quelqu’un suggéra de l’appeler « Louis ler, empereur des français ».
[5] Les citations de constituants sont empruntées aux Archives parlementaires.
[6] La complexité des références pour pouvoir citer correctement un passage de la Constitution de 1791 est déjà un signe d’inexpérience des constituants !
[7] On trouve le détail de ce débat aux Archives parlementaires, t. IX ; également un résumé emprunté à Galart de Montjoie dans Pierre-Joel de VALMIGERE, Enquête sur la Révolution, Nouvelles éditions latines, 1956, p. 131. « La chaleur que les royalistes mirent dans cette affaire, estime Galart, est au-dessus de toute expression. »
[8] Notons qu’il a peut-être pas là une rupture aussi totale avec le passé qu’on pourrait le penser. Déjà les scolastiques du Moyen Âge, sans parler du courant hétérodoxe des monarchomaques, envisageaient une sorte de souveraineté du populus, et la souveraineté monarchique elle-même, en France, n’a jamais prétendu trouver en soi sa fin, à l’inverse, précisément, des souverainetés nationale ou populaire.
[9] Les députés Blin et Lanjuinais avaient demandé, contre Mirabeau bien sûr, de décréter « qu’aucun membre de l’Assemblée nationale ne pourra obtenir aucune place de ministre pendant la session de l’Assemblée actuelle ». Mirabeau, ironique, proposa un amendement bornant l’exclusion « à M. de Mirabeau, député des Communes de la sénéchaussée d’Aix ».
[10] On lira avec fruit la biographie très agréable de Jean-Jacques CHEVALLIER, Mirabeau, un grand destin manqué, 1947.
[11] Georges LEFEBVRE, La Révolution Française, p.204. Maurice DESLANDRES, Histoire constitutionnelle de la France de 1789 à 1870,t. I. Evelyne LEVER, Louis XVI, Fayard, 1985.
[12] Pierrette GIRAULT de COURSAC, L’éducation d’un roi : Louis XVI, Julliard, 1976. Paul et Pierrette GIRAULT DE COURSAC, Enquête sur le procès du roi Louis XVI, La table Ronde, 7982. Pour une discussion, Frédéric BLUCHE, « Un vrai roi constitutionnel ? », dans Mémoire, 1985, III.
[13] Cf. Jean de VIGUERIE, « Les idées politiques de Louis XVI sont-elles démocratiques », dans Mémoire, 1985, II, p.23.
[14] Marcel REINHARD, dans La Chute de la Royauté : 10 Aout 1792, Gallimard, 1969, a publié de larges extraits de cette Déclaration aux Français (dont on n’est pas certain qu’elle soit entièrement de la main du Roi) : p. 437-451, document II, « Rupture de Louis XVI avec la révolution ».
[15] Cf. Jean-Pierre BRANCOURT, « Entre l’Être suprême et le Dieu des Chrétiens », Mémoire, l986, V, p. 13.
[16] Il est bon de rappeler que le sacre de 1775 fut voulu par Louis XVI contre l’avis de son principal ministre de l’époque, Turgot.
[17] Ce serment était une condition suspensive ou résolutoire du règne pour le Roi constitutionnel.
[18] TALLEYRAND, op. cit., p. 219.
ISH
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- Guy Augé
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