Les racines occultistes du socialisme
Si la thèse de doctorat de Goodrick-Clarke montre l’influence prépondérante des Loges dans la genèse du Nazisme, on peut en dire autant pour le Communisme qui n’est que la forme radicale de l’idéologie socialiste. Reste à expliquer pourquoi ces régimes totalitaires se sont affranchis de la tutelle des Loges pour ensuite les persécuter. De même, on peut légitimement se demander l’intérêt de la Maçonnerie à produire de telles monstruosités. Un de nos lecteurs propose ici quelques pistes de réponses à partir d’extraits de textes maçonniques de référence.
Introduction de VLR
C’est bien volontiers que nous publions ce message envoyé par un de nos lecteurs.
Notre correspondant nous pardonnera l’ajout de titres à ses paragraphes pour en faciliter la lecture en ligne.
Des initiés derrière chaque idéologie
Messieurs,
Je me permets de vous féliciter d’avoir publié, sur votre site, une recension de la thèse de Nicholas Goodrick-Clarke sur les origines occultistes du Nazisme. Il est bon, en effet, de savoir que Nazis et Francs-Maçons avaient quelque chose en commun. Voilà qui éclaire d’un jour nouveau les raisons de leur hostilité réciproque.
Ce phénomène des rapports des loges avec l’extrême-droite est pourtant connu depuis longtemps : déjà le Franc-Maçon René Guénon [1] dans sa lettre du 12 octobre 1936 à R. Schneider rapporte à propos de Mussolini le fait suivant :
[...] il n’en est d’ailleurs pas moins vrai qu’il [Mussolini] était Maçon, et même, détail amusant, la chemise noire avec laquelle il fit son entrée à Rome lui avait été offerte par les Loges de Bologne. [2]
La question mérite d’être approfondie mais, assurément, tout se passe comme s’il s’était produit un schisme à l’intérieur de ce que l’on peut appeler « l’Église Initiatique » :
- d’un côté les obédiences classiques, acquises à l’Internationalisme et à l’égalitarisme.
- de l’autre des loges comme : la Société de Thulé, l’Ordre du Nouveau Temple, l’Ordo Templo Orientis (OTO) [3] et autres organisations gnostiques, élitistes, souvent fondées sur une idéologie raciste exacerbée.
L’ouvrage de Nicholas Goodrick-Clarke a l’immense mérite de révéler que derrière les mouvements politiques du XXe siècle, se cachaient souvent des « gourous », je veux dire des initiés.
Finalement, si l’on regarde les événements en tenant compte de ce facteur caché, on s’aperçoit que la Révolution, sous ses différents visages, n’est pas autre chose qu’une colossale manipulation des peuples au moyen des idéologies.
L’International-Socialisme est aussi monstrueux que le National-Socialisme. Staline, Mao et Pol Pot n’ont rien à envier à Hitler. Rien d’étonnant à cela : ces frères ennemis ont les mêmes origines initiatiques.
Les origines maçonniques du Socialisme
Ceux qui en doutent seraient bien avisés de consulter le Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie édité par Daniel Ligou (Paris, 1987). Cet ouvrage autorisé est des plus instructifs. Nous y apprenons que parmi les nombreux Maçons qui furent les apôtres du Socialisme figurent :
- Saint-Simon (Claude-Henry de Rouvroy, comte de, 1760-1825) :
Le fondateur du saint-simonisme « avait appartenu en 1786 à la Loge l’Olympique de la Parfaite estime, à l’Orient de Paris et à la Société olympique » (p. 1079). - Leroux (Pierre, 1797-1871) :
Philosophe, journaliste et écrivain socialiste, typographe, membre de la Constituante de 1848 puis de la Législative. Membre de la Loge des Droits de l’Homme, Orient de Grasse. (p. 695)
- Blanqui (Louis-Auguste, 1805-1881) :
Le fameux théoricien socialiste fut, selon le Dictionnaire, « membre des Amis de la Vérité dans les années 1830, et du Temple des Amis de l’Honneur français en 1842. » (p. 141). - Proudhon (Pierre-Joseph, 1809-1865) :
Le père du socialisme français, ami puis adversaire de Marx, fut initié « non sans avoir longtemps hésité », précise le Dictionnaire, « le 8 janvier 1847, à la Loge bisontine Spucar, et en fait un récit dans De la justice dans la Révolution et dans l’Église (1858). Son initiation est surtout célèbre par le fait que Proudhon, à la troisième question d’ordre (Devoirs de l’Homme envers Dieu) répondit : La guerre ! » (p. 967). - Blanc (Louis, 1811-1882) :
Militant républicain, puis socialiste, membre du Gouvernement provisoire de 1848, député de Paris en 1871, puis sénateur. Il fut initié en exil, à la Loge Les Sectateurs de Menés, à l’Orient de Londres, avant 1854, date à laquelle il fut installé comme 93e du rite de Memphis et Orateur du Souverain Conseil de ce grade. (pp. 140-141)
- Bakounine (Michel, 1814-1876) :
Le prince M. Bakounine, anarchiste russe, né le 8 mai 1814 à Premoukhino (auj. Kalinine) fut élevé par un père franc-maçon, aristocrate libéral, qui se flattait d’avoir assisté à la prise de la Bastille... Reçu maçon en 1845... Il s’était prévalu de cette qualité en 1848, mais on est sans précisions sur son initiation. ... Arrivé à Paris en 1844, il y fréquenta Lamennais, George Sang, Michelet, Nicolas Herzon, le Frère Louis Blanc... (p. 102)
- Lénine (Vladimir Ilitch Oulianov, dit, 1870-1924) :
Vladimir aurait été initié à la Loge L’Union de Belleville, à l’Orient de Paris, avant la guerre de 1914. Mais les archives de cet atelier ayant été dispersées, on ne possède pas de traces formelles de l’appartenance de Lénine à la franc-maçonnerie. Tout ce que l’on sait avec certitude c’est qu’Oulianov fut l’ami de « Montehus »(1872-1958), chanteur anti-militariste qui, précisément, était membre de la Loge l’Union de Belleville à la même époque...(p. 693)
Savez-vous à qui l’on doit l’lnternationale, ce chant révolutionnaire devenu l’hymne international des partis socialistes et communistes et qui fut, aussi, l’hymne soviétique jusqu’en 1936 ? Le Dictionnaire nous le dit (p. 954) : à un Maçon ! Voyons cela :
- Pottier (Eugène, 1816-1887) :
Anarchiste français, né en 1816, participa aux Révolutions de 1830, de 1848 et de 1871. Il fut maire du IIe arrondissement sous la commune de Paris. Condamné à mort, il se réfugia en Belgique, en Angleterre, puis en Amérique où il fut initié en 1875 à la loge sauvage Les Égalitaires fondée à New-York par des proscrits de la Commune. Revenu en France en 1887, il voulut se faire régulariser en s’affiliant à la loge parisienne Le Libre Examen, mais l’auteur de l’Internationale mourut quelques jours avant. (p.954)
De fait, il est historiquement attesté que Pottier composa en 1871 le poème qui fut mis en musique par Pierre Degeyter en 1888 et exécuté pour la première fois la même année à la fête des travailleurs de Lille.
Maçonnerie et Communisme
Même si, nous l’avons vu, on ne peut affirmer avec certitude que Lénine était Maçon, une chose est sûre : entre la Franc-Maçonnerie et le socialisme radical — le Communisme — il n’y a pas d’opposition véritable.
L’incompatibilité proclamée en novembre 1922 au IVe Congrès de l’Internationale ne doit pas faire illusion. En France par exemple, nombre de fondateurs du jeune Parti Communiste sont Maçons :
- Ludovic-Oscar Frossard (1889-1946) :
Secrétaire général du jeune Parti Communiste Français, mais hostile à la « bolchévisation » du parti, désavoué par l’Internationale sur son attitude au IIe Congrès du PCF, et refusant la 22e condition de Moscou (le Komintern interdisant l’appartenance à la Franc-Maçonnerie), il démissionne le 1er janvier 1923. Il crée alors le Parti Communiste unitaire (PCU) qui devient en 1924 après fusion avec d’autres groupes dissidents l’Union socialiste communiste.
- André Morizet (1876-1942) :
Membre fondateur du Parti Communiste, il est hostile à la XXIIe condition de Moscou, interdisant l’appartenance à la Franc-Maçonnerie dont il est membre (Grand Orient de France). Exclu du Komintern en janvier 1923 (avec Ludovic-Oscar Frossard, pour les mêmes raisons), il démissionne du PCF et rejoint l’Union socialiste communiste jusqu’en 1927.
- Antonio Coen (1885- ?) :
Initié à la Grande Loge, il est membre du bureau du Parti Communiste dont il démissionne après le IVe Congrès de l’Internationale. Il devient quelques années plus tard Grand Maître de la Grande Loge de France.
- Zéphyrin Camélinat (1840-1932) :
Trésorier de la SFIO, il se rallie aux majoritaires communistes du Congrès de Tours en 1920, il favorise la naissance du communisme en France.
En 1921, il transmet les actions du journal L’Humanité (fondé par Jean Jaurès) au Parti Communiste Français. En 1924, il est candidat à l’élection présidentielle et obtient 21 voix sur l’ensemble des députés et des sénateurs.
Malgré les conditions de Moscou, il est la seule personnalité du PCF à être à la fois membre du Komintern et de la Franc-Maçonnerie.
- Charles Lussy (1883-1967) :
Dès les élections législatives de 1914, il défend les couleurs de la SFIO. Après la Grande guerre, il entre à l’Humanité, puis il suit la majorité du Parti de Jean Jaurès dans son adhésion à l’Internationale communiste. Il reste au Parti Communiste durant deux années. Début 1923, il quitte le PCF, et après un bref épisode à l’Union socialiste-communiste, il rentre au parti socialiste.
- Marcel Cachin (1859-1958) :
Père fondateur du Parti Communiste, directeur du journal l’Humanité, fut initié Maçon dans la « loge la concorde castillonnaise »
- Antoine Ker (1886-1923) :
Partisan de la IIIe Internationale, il assiste, en décembre 1920, au congrès de Tours et est élu au Comité directeur du Parti Communiste. Il collabore à l’Humanité et à la Vie ouvrière et est chargé de la liaison entre le Parti français, le PC allemand et l’Internationale. Dans ce cadre, il se rend à Moscou. Il reste en liaison avec le parti jusqu’à sa mort mais aurait « démissionné » de la maçonnerie.
Mais il en a bien d’autres, comme Hô-Chi-Minh, le « libérateur » oppresseur communiste du Vietnam. Dans le N°256 de la revue L’Histoire, Jacques Dalloz — qui a consacré un ouvrage à la question — écrit :
Des Vietnamiens venus en France (notamment pour suivre des études) se font initier à Paris ou dans les villes universitaires du Sud.Parmi eux, le futur Ho Chi Minh. Au début de l’année 1922, le jeune communiste se présente à l’initiation dans une loge de la capitale, La Fédération universelle, recommandé par le graveur Roger Boulanger. [...]
En décembre de la même année, la IVe Internationale va condamner la Maçonnerie, « institution secrète de la bourgeoisie radicale » : un paradoxe qui ne semble pas gêner le futur dirigeant vietnamien.
[...]En août 1945 [...] D’autres maçons arrivent alors au pouvoir, tel Hoang Minh Giam que les responsables français considèrent alors comme l’éminence grise de Ho Chi Minh et qui va participer à ses gouvernements durant de longues années.
[...]La fin de la guerre d’Indochine porte un nouveau coup à la Franc-Maçonnerie locale. Déjà moribonde, La Fraternité tonkinoise s’éteint avec le passage au communisme du Nord-Vietnam. L’installation du nouveau régime entraîne ? comme dans les autres pays communistes ? la disparition de la Maçonnerie. L’initiation d’Ho Chi Minh n’aura fait dans ce domaine aucune différence. [4]
Tout porte donc à penser qu’il s’est produit entre Communisme et Franc-Maçonnerie, un mouvement similaire à celui que Goodrick-Clarke constate entre le Nazisme et les Loges : soit un affranchissement progressif de leur tutelle, puis une hostilité, voire une persécution de ces sociétés de pensée, considérées — à juste titre — comme le ferment d’autres idéologies concurrentes.
On peut alors se demander l’intérêt des Loges de susciter des idéologies opposées, avec le risque, dans leurs formes radicales, d’une persécution des Maçons eux-mêmes. Dans les lignes suivantes, nous tenterons une explication à la lumière de textes maçonniques de référence.
De l’unité fondamentale de tous les « frères »
Mais, diront les sceptiques, que faites-vous de certaines obédiences maçonniques des pays capitalistes qui se déclarèrent plus d’une fois hostiles au Communisme ? Voilà qui montre que les Maçons n’ont pas de vue globale sur l’avenir de l’Humanité. Chaque obédience travaille les yeux fixés sur les intérêts de la nation à laquelle elle appartient.
Erreur ! Un texte fondateur comme les Constitutions d’Anderson (1723) proclame qu’en réunissant des hommes de tous les horizons,
la Franc-Maçonnerie a pour but de devenir « le centre d’union et le moyen de nouer une amitié sincère entre des hommes qui n’auraient pu que rester perpétuellement étrangers ».
L’objectif est connu : l’instauration d’un État mondial. Il est révélé par cet autre texte fondateur qui est le Discours de Ramsay (1737) :
Nos ancêtres les Croisés [comprenons : les Templiers] voulurent réunir dans une seule fraternité les sujets de toutes les Nations. Quelle obligation n’a-t-on pas à ces hommes supérieurs qui ont imaginé un établissement dont le but unique est la réunion des esprits et des cœurs, pour les rendre meilleurs et former dans la suite des temps une Nation Spirituelle où, sans déroger aux divers devoirs que la différence des états exigent, on créera un Peuple nouveau qui, en tenant de plusieurs nations, les cimentera par les liens de la vertu et de la science.
Des idéologies opposées comme outils de « progrès »
Peu importe que ces hommes, une fois sortis des loges, appartiennent à des partis politiques ou même à des pays antagonistes. Une fois embrigadés, ils auront en commun certains principes qui feront que, tout en se combattant, ils collaboreront au Grand Œuvre, l’édification de la civilisation maçonnique mondiale.
Une telle façon de procéder est efficace. Elle a fait ses preuves : cela s’appelle la Dialectique.
Ce n’est pas moi qui le dis, mais Oswald Wirth, un des penseurs officiels de la Franc-Maçonnerie :
Deux est le nombre du discernement, qui procède par analyse, en établissant des distinctions incessantes, sur lesquelles rien ne saurait se baser. L’esprit qui refuse de s’arrêter dans cette voie se condamne à la stérilité du doute systématique, à l’opposition impuissante, à la contestation perpétuelle...Deux révèle Trois et le Ternaire n’est qu’un aspect plus intelligible de l’Unité.
La Tri-Unité de toutes choses est le mystère fondamental de l’Initiation intellectuelle.
Le Maçon, qui pare sa signature de trois points en triangle ? donne à entendre qu’il sait ramener par le Ternaire le Binaire à l’Unité. Si réellement il s’est élevé à la hauteur du point qui domine les deux autres, il ne se perdra jamais en de vaines discussions, car il percevra sans difficulté la solution qui se dégage d’un débat contradictoire. Jugeant de haut sans le moindre parti pris et en toute liberté d’esprit, il fera la lumière du choc de l’affirmation et de la négation [5].
SYNTHÈSE Solution
:.
THÈSE Affirmation --- ANTITHÈSE Négation
Voilà qui est clair : de deux thèses (ou de deux forces) opposées, on utilise la résultante qui fera avancer la cause. [6]
On aura noté, au passage, l’analogie profonde avec l’idéologie marxiste.
Dans le livre Idéalisme et matérialisme dans la conception de l’Histoire, le Socialiste Jean Jaurès revendique cette filiation du Socialisme avec les systèmes philosophiques maçonniques de Kant [7] et de Hegel [8] (considérés comme tels par les Maçons) :
Pour Kant, vous le savez tous, le problème philosophique consiste expressément à trouver la synthèse des affirmations contradictoires qui s’offrent à l’esprit de l’homme : l’univers est-il limité ou infini ? le temps est-il limité ou infini ? la série des causes est-elle limitée ou infinie ? tout est-il soumis à l’universelle et inflexible nécessité, ou y a-t-il une part pour la liberté des actions humaines ?Autant de thèses et d’antithèses, de négations et d’affirmations, entre lesquelles hésite l’esprit.
L’effort de la philosophie Kantienne est tout entier dans la solution de ces contradictions, de ces antinomies fondamentales.
Enfin c’est Hegel qui vient donner la formule même de ce
long travail, en disant que la vérité est dans la contradiction :
ceux-là se trompent, ceux-là sont les jouets d’une logique étroite,
illusoire, qui affirment une thèse sans lui opposer la thèse
inverse.Je crois inutile de rappeler aux adeptes de la doctrine de Marx, que Marx a été le disciple intellectuel de Hegel : il le déclare lui-même, il le proclame dans son introduction du « Capital » (et Engels, depuis quelques années, semble, par cette pente qui porte l’homme qui a longtemps vécu à revenir vers ses origines, s’appliquer à l’étude approfondie de Hegel lui-même).
Il y a une application saisissante de cette formule des contraires, lorsque Marx constate aujourd’hui l’antagonisme des classes, l’état de guerre économique, opposant la classe capitaliste à la classe prolétarienne [...] Selon la vieille formule d’Héraclite que Marx se plait à citer :
La paix n’est qu’une forme, qu’un aspect de la guerre ; la guerre n’est qu’une forme, qu’un aspect de la paix.Il ne faut pas opposer l’une à l’autre : ce qui est lutte aujourd’hui est le commencement de la réconciliation de demain.
La pensée moderne de l’identité des contraires se retrouve encore dans cette autre conception admirable du marxisme : L’humanité a été jusqu’ici conduite pour ainsi dire par la force inconsciente de l’histoire [...]
Eh ! bien, lorsque sera réalisée la révolution socialiste, lorsque l’antagonisme des classes aura cessé, lorsque la communauté humaine sera maîtresse des grand moyens de production selon les besoins connus et constatés des hommes, alors l’humanité aura été arrachée à la longue période d’inconscience où elle marche depuis des siècles, poussée par la force aveugle des événements, et elle sera entrée dans l’ère nouvelle où l’homme au lieu d’être soumis aux choses réglera la marche des choses. [...]
Pour Marx, cette vie inconsciente était la condition même et la préparation de la vie consciente de demain, et ainsi encore l’histoire se charge de résoudre une contradiction essentielle.
Eh ! bien, je demande si l’on ne peut pas, si l’on ne doit pas, sans manquer à l’esprit même du Marxisme, pousser plus loin cette méthode de conciliation des contraires, de synthèse des contradictoires, et chercher la conciliation fondamentale du matérialisme économique et de l’idéalisme appliqué au développement de l’histoire. [9]
À la lecture du texte précédent, on ne peut s’empêcher de penser que le Socialisme s’est approprié la dialectique maçonnique, l’a systématisée et interprétée d’une manière particulière et exclusive. Notons au passage l’analogie profonde des pensées maçonnique et socialiste par leurs caractères messianique, prométhéen et holiste. Soulignons aussi leur objectif commun : l’unité et l’autonomie de l’humanité.
Cependant si, dans les lignes précédentes, Jaurès résume le terme de la dialectique marxiste, nous ignorons encore celui de la dialectique maçonnique.
Ordo ab Chao, ou la finalité de l’État totalitaire
Voici qui va nous éclairer. Commentant la devise maçonnique Ordo ab Chao (L’Ordre à partir du Chaos), l’illustre Franc-Maçon René Guénon, révèle que des organisations opposées sont en réalité utilisées comme de la « matière » par de « hauts initiés » pour les faire concourir au Grand-Œuvre :
Nous mentionnerons encore, sans y insister outre mesure, une autre signification d’un caractère plus particulier, qui est d’ailleurs liée assez directement à celle que nous venons d’indiquer en dernier lieu, car elle se réfère en somme au même domaine : cette signification se rapporte à l’utilisation, pour les faire concourir à la réalisation du même plan d’ensemble, d’organisations extérieures inconscientes de ce plan comme telles, et apparemment opposées les unes aux autres, sous une direction « invisible » unique, qui est elle-même au-delà de toutes les oppositions. En elles-mêmes, les oppositions, par l’action désordonnée qu’elles produisent, constituent bien une sorte de « chaos » au moins apparent ;
- mais il s’agit précisément de faire servir ce « chaos » même en le prenant en quelque sorte comme la « matière » sur laquelle s’exerce l’action de l’« esprit » représenté par les organisations initiatiques de l’ordre le plus élevé et le plus « intérieur » à la réalisation de l’« ordre » général,
- de même que, dans l’ensemble du « cosmos », toutes les choses qui paraissent s’opposer entre elles n’en sont pas moins réellement, en définitive, des éléments de l’ordre total. [10]
Si les mots ont un sens, cela s’appelle de la manipulation, mais à l’échelle des continents et des peuples.
Le résultat de ces manœuvres, soigneusement cachées au profane, sera, comme on l’a vu, la création d’un État mondial.
Et cet État sera totalitaire. La devise Ordo ab Chao ne laisse sur ce point aucun doute : après le désordre, savamment provoqué sur les plans national et international — désordre obtenu en flattant les passions des hommes et en développant les idéologies contraires — viendra la remise en ordre qui sera brutale.
À ceux qui voudraient savoir ce que les Hauts Initiés pensent de la Démocratie, je conseille la lecture de l’ouvrage du Maçon René Guénon le plus explicite sur ce sujet, à savoir La Crise du Monde Moderne — ouvrage de référence chez les initiés d’extrême droite [11].
Conclusion
Mais en voilà assez sur cette question. J’interromps là mon message déjà trop long. Peut-être me reprochera-t-on d’avoir multiplié les citations. La nature même de mon propos m’y obligeait. Pour être cru, il fallait apporter des preuves, tant la réalité dans le cas qui nous occupe dépasse la fiction.
Soyez remerciés et félicités, une fois encore, d’avoir montré qu’entre le Légitimisme et les idéologies, toutes filles de la Révolution — et totalitaires en puissance — l’incompatibilité est totale.
Puisque je n’en suis pas à une citation près, je terminerai par un extrait de la bulle In Eminenti dans laquelle le pape Clément XII condamnait, avec clairvoyance, dès 1738, la Franc-Maçonnerie :
Dans ces sociétés, des hommes de toutes les religions et sectes, affectant une apparence d’honnêteté naturelle, se lient entre eux par un pacte aussi étroit qu’impénétrable, conclu suivant les lois et les statuts qu’ils se sont faits. Ils s’engagent, en outre, par un serment prêté sur la Bible, et sous les peines les plus graves, à cacher sous un silence inviolable tout ce qu’ils font dans l’obscurité du secret.
D’où sa conclusion :
Si l’on ne... faisait point de mal [dans les loges], on ne haïrait pas ainsi la lumière.
Croyez à mes sentiments les meilleurs.
Jean Vandamme
[1] Dans son Dictionnaire critique de l’ésotérisme, J.-P. Laurant précise à l’article « René Guénon », pp. 576-578 :
Il est né en 1886 à Blois. De formation scientifique, il se dirige ensuite vers la philosophie. Durant la même période, il fréquente divers milieux occultistes, dont l’Ordre Martiniste de Papus et l’Église gnostique universelle de Jules Doinel (1842-1902), René Guénon y sera évêque et dirigera la revue de cette « église », La Gnose, de 1909 à 1912, et des loges maçonniques, dont la Loge Humanidad et la Loge Thébah, émanation de la Grande loge de France. Il côtoie alors le mage Papus, pseudonyme de Gérard Encausse (1865-1916). En 1912, il entame des études de philosophie et devint admissible à l’agrégation de philosophie en 1917, il enseignera notamment à Sétif puis à Blois. Contrairement à ses contemporains, il ne chercha pas à être un chef d’école. Dès ses premiers livres, il rejeta la modernité et le positivisme. Déçu par l’accueil fait à ses travaux dans les milieux catholiques, il partit en voyage en 1930 — il devait gagner l’Inde — et s’installa en Égypte où converti à l’islam, il devint Abdel Wahid Yahia et épousa la fille d’un Cheikh soufi. Il mourut en Égypte en 1951. Il eut une influence considérable à la fois sur les milieux traditionalistes [comprendre : « milieux de la gnose traditionnelle » (note de VLR)] et maçonniques et sur les milieux artistiques et littéraires.
[2] René Guénon cité par Jean Robin in René Guénon, Témoin de la Tradition, Ed. Guy Trédaniel, Chaumont, 1986, p.275.
[3] Dans l’Événement de Jeudi du 4 novembre 1993, le journaliste Serge Faubert titre son article : Derrière la magie et l’irrationnel... l’extrême droite et l’affairisme. Enquête sur le mystérieux Groupe de Thèbes On y apprend que : 1) un des piliers du Groupe de Thèbes est Christian Bouchet, chantre du nationalisme révolutionnaire, co-fondateur du groupuscule nazi Unité Radicale, « Exégète de Crowley, Bouchet est également son disciple. Il est membre de l’Ordo Templo Orientis (OTO), l’obédience fondée par le magicien anglais ». 2) Le Groupe de Thèbes entretient de bonnes relations avec le Grand Orient de France : lors d’une première réunion tenue également dans des locaux du GOF, il (Christian Bouchet) s’était manifesté par une brillante communication sur… la magie sexuelle ». 3) Un autre pilier du Groupe de Thèbes est Jean-Pierre Giudicelli : « Giudicelli fait autorité dans les cercles ésotériques... Il dirige la section française de la Myriam, une obédience luciférienne dont l’enseignement fait appel aux pulsions sexuelles des adeptes... Ce Corse à la quarantaine bien sonnée, sympathisant des indépendantistes du FLNC, est aussi un facho de toujours : ancien d’Ordre nouveau il a fait partie du groupe néofasciste Troisième Voie jusqu’à la fin des années 80. » 4) Le Groupe de Thèbes entretient de bonnes relations avec la Loge Memphis Misraïm « une obédience maçonnique qui revendique 7000 membres, dont 1000 en France ».
[4] Jacques Dalloz, Un certain Ho Chi Minh..., in L’Histoire, N°256 Juillet 2001.
[5] Oswald Wirth, La F.M. rendue intelligible à ses adeptes, Paris, 1986, Tome I : l’apprenti, p. 199.
[6] Lire à ce sujet l’article Principe du moteur de la Révolution (note de VLR)
[7] Sur le maçonnisme de Kant, dans son Dictionnaire de la Maçonnerie, p.659, Daniel Ligou écrit :
Le grand philosophe n’a jamais été membre d’une loge. Mais il a eu de nombreuses amitiés maçonniques, parmi lesquelles celles de son éditeur Johan Jacob Kanter, et de son exécuteur testamentaire Wasianski, tous deux, comme lui, de Königsberg. On peut également soutenir que ce grand penseur fut un Maçon sans tablier.
[8] Sur le maçonnisme de Hegel, on consultera avec intérêt l’étude publiée par le Grand Orient de France sur le sujet. Moins affirmatif, le Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie (p.565) dit cependant : Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) :
Le grand philosophe allemand n’a probablement pas été Maçon, mais il consacra à l’Ordre Les Lettres à Constant (!!!) œuvre publiée sur manuscrit par la loge Quatuor Coronati Orient de Bayreuth. Cette œuvre est aujourd’hui bien connue des loges allemandes mais n’a pas été traduite en français.
[9] Idéalisme et matérialisme dans la conception de l’histoire : conférence de Jean Jaurès et réponse de Paul Lafargue, pp.6-7, Impr. spéciale — 1895
[10] René Guénon, Aperçus sur l’Initiation, Paris, 1985, p. 292.
[11] Selon la Nouvelle Droite païenne ou GRECE : « L’humanité serait à la fin d’un cycle de la cosmogonie traditionnelle, rien ne servirait de tenter de conserver des morceaux du monde ancien, le neuf ne pouvant surgir que des ruines : seule une élite nourrie de Guénon et d’Evola passera d’un cycle à l’autre pour devenir le ferment d’un ordre nouveau » (J.-Y. Camus et R. Monzat, Les droites radicales et nationales en France, p. 484.)